Le 29 mai dernier, l’équipe de Saveurs Maison a participé au challenge «Top Chef » proposé par le Conseil Départemental 54 et le CFPPA-54 (EPL54 Pixerécourt). Pour endosser la mission du jury impitoyable : les résidents de l’EHPAD de la Sainte Famille de Vandœuvre-lès-Nancy. Retour sur cette expérience dont les résultats ont dépassé les attentes et ouvrent aujourd’hui à de nouvelles perspectives.

C’est quoi Saveurs Maison ?

Adeline Fernandez (Directrice de Saveurs Maison) : nous sommes une structure née du rapprochement en 2008 de 2 associations : l’association de réinsertion A.R.S (Nancy) et l’association de gestion de l’EHPAD Notre Dame du Bon Repos (Maxéville), aujourd’hui géré par la Fondation Saint Charles de Nancy. Cette structure ainsi créée devait fournir à chaque association des repas de qualité avec une maîtrise des coûts.

Au fil des ans Saveurs Maison s’est développée autour de plusieurs pôles de prestations : le repas aux collectivités, le portage de repas à domicile et des prestations « traiteur » à destination des entreprises mais aussi des particuliers.

Aujourd’hui, Saveurs Maison emploie 30 salariés, dispose de 2 sites de production : le site historique dans les locaux de l’EHPAD Notre Dame du Bon Repos (Maxéville) et un autre dans les locaux de l’EHPAD de la Sainte Famille (Vandoeuvre). Chaque jour, nous produisons 1500 repas.

D’où est venue cette idée d’un challenge « Top Chef » ? 

A.F : c’est parti d’une formation sur la loi EGAlim avec l’EPL54 à laquelle étaient inscrit Hélène, notre diététicienne, et Jean-Claude, le responsable des approvisionnements. La formation s’achevait par un challenge devant impliquer toute l’équipe.

Participer à un tel challenge avait du sens pour nous : nous sommes clairement concernés par la règlementation EGAlim, nous sommes plusieurs à Saveurs Maison à être assez « responsables » dans nos habitudes de vie et ce, depuis toujours. Et puis enfin, pouvoir agir sur les coûts de production en réfléchissant différemment s’impose comme une orientation à suivre.

Comment avez-vous préparé ce challenge « Top Chef » ?

A.F : nous nous sommes réunies à 3, avec Hélène (diététicienne) et Orlane (cheffe de production). Chacune dans un rôle défini : Hélène pour le cadre juridique, Orlane pour la gestion de la production et moi-même sur la communication et le grain de folie pour rendre le tout attractif. Pierre-Alexandre (magasinier) s’est démené pour trouver les produits et communiquer avec la contre-équipe. Il a fait cela en plus de son CAP cuisine qui lui permettra bientôt d’assurer la production des plats chauds et d’apporter son grain de sel.

Nous avons pris en compte les règles imposées : confectionner un menu à partir de produits bruts, de saison, avec 10 à 20% de produits sous Signes Officiels d’Identification de la Qualité et de l’Origine (SIQO) dont 10% issus de l’Agriculture Biologique. Les approvisionnements devant privilégier les produits agricoles du territoire par le biais des circuits-courts.

L’entrée, le plat et le dessert devant être composés d’au moins un légume de saison, une légumineuse et un fruit de saison. Être proposé et décliné en deux textures (normale et modifiée : hachée ou mixée) et pour l’une des deux textures, intégrer une composante « manger main » de texture libre (lisse ou habituelle).

Les déchets issus de cette préparation devant être répertoriés et comptabilisés afin de réduire le gaspillage alimentaire lors de la préparation.

Et comment tout cela s’est passé le jour J ?

A.F : nous avons fait le choix de proposer ce challenge aux résidents de l’EHPAD de la Sainte Famille. Le choix a été fait de par la présence de l’équipe sur le site, avant tout. Mais aussi parce que la taille de l’établissement était propice à une première de ce genre pour nous.

Tout au long de ce « défi », l’équipe entière a pris du plaisir à travailler ensemble, avec un menu différent, fun, avec un bel esprit d’entre-aide et de découverte. Le jour de production, la contre équipe est venue prêter main forte. « Enfin on bosse tous ensemble » a été le retour fait par tout le monde. Nous avions une CDD qui a fait des makis pour le finger food, c’était un plaisir de voir ce partage de savoir et de culture ! Personnellement, j’étais heureuse de voir une telle cohésion dans l’équipe ! Même Valérie, notre secrétaire de Maxéville, est venue trinquer avec tout le monde.

Un challenge réussi côté « cuisine » donc. Mais côté « fourchette », qu’en ont pensé les résidents ?

A.F : nous venons de finir l’analyse des enquêtes de satisfaction et les retours sont excellents. Nous avons pris en compte la satisfaction exprimée par les résidents mais nous avons aussi analysé les quantités consommées. Les desserts, toute texture confondue, ont eu un grand succès. Le Sauté de Porc à la bière lorraine et son riz « quand on naît » lorrain a reçu un très bon accueil avec 98% des personnes qui ont apprécié la proposition.  

C’est le jury qui a réalisé l’enquête de satisfaction car il fallait un avis 100% neutre.

Cette expérience va-t-elle ouvrir à d’autres perspectives sur le « manger mieux » ?

A.F : à Saveurs Maison, nous n’avons pas attendu la loi EGAlim pour nous pencher sur le sujet. Mais cette expérience est en train de changer les choses. Cela nous a permis de nous ouvrir à d’autres structures dans le cadre du concours. Pierre-Alexandre notre magasinier est très investi sur le sujet de l’alimentation de proximité et le « manger durable ».

Nous ne modifions pas spécialement tous les menus avec des protéines végétales évidemment, mais nous nous fixons l’objectif « Zéro Déchet Alimentaire ». Et c’est en train d’être un succès sur Vandoeuvre ! En effet, une banque alimentaire prend désormais nos restes (des quantités raisonnables et calculées en stock de secours).

Grâce à cette expérience, nous avons fait le choix d’intégrer dans notre cycle de menus d’automne le Riz « Quand on naît lorrain ».

Nous allons désormais envisager cette démarche sur le site de l’EHPAD Notre Dame du Bon Repos à Maxéville, le site historique de la cuisine centrale de Saveurs Maison. Et pourquoi ne pas envisager une démarche similaire avec tous les établissements de la Fondation Saint Charles de Nancy ? Ce serait un super challenge et un moyen de partager autour d’un évènement culinaire, aussi bien entre professionnels qu’avec les résidents. Je ne doute pas qu’ils en seraient les premiers ravis !

Qu’en pense l’équipe de cette aventure ?

Orlane Colson (cheffe de production) : nous n’avons pas hésité une seconde quand Adeline nous a proposé ce challenge. Pour moi comme le reste de l’équipe, ça nous a tout de suite plu : notre premier challenge, la possibilité de s’ouvrir à des choses nouvelles, pouvoir impliquer les 2 équipes dans un travail commun, c’était motivant.

Pour moi, ça a été un véritable épanouissement personnel, de voir ce que j’étais capable de faire dans un cadre défini, avec la gestion du stress. Car ce que nous avons proposé aux résidents de l’établissement, nous l’avons également proposé à tous les clients pour qui nous proposons les repas : écoles, particuliers…

Pierre-Alexandre Lemaire (magasinier) : on est très fier parce qu’on a démontré que nous avons réussi à sortir un menu qui répond aux critères de coûts imposés, on a été très solidaires entre équipes et tout le monde s’est impliqué dans un effort commun. L’expérience a déjà modifié nos pratiques : on est encore plus sensibilisés sur l’importance des produits locaux dans nos menus, on sent qu’il y a une cohésion plus forte encore entre nous, on se challenge même entre nous sur des recettes qu’on améliore. Et on va même sortir des plats « à nous ». Pour exemple, une salade de courgettes qui n’était pas terrible, on s’est pris au jeu de l’améliorer et là, Youssef nous a proposé une version à tomber par terre. La « Salade Youssef » est désormais proposée. Ça donne envie de créer nos propres menus maintenant, de mettre en valeur les gens qui créent les repas.

Orlane Colson : cette expérience a amené beaucoup de choses. Même si on était déjà tous sensibilisés au développement durable, on a redoublé d’efforts pour réduire encore plus le gaspillage alimentaire. On communique beaucoup Pierre-Alexandre et moi pour nous adapter, on réutilise le plus possible, on adapte les textures, on a une vigilance permanente au gâchis. Et quand on ne peut éviter de produire plus, on a désormais un partenariat avec la Banque Alimentaire de Vandoeuvre. Notre surproduction on la met en barquette et ce sont quelques plats qui viennent contribuer à la formidable action de la Banque Alimentaire. Tout ça a créé une dynamique et qui commence à dépasser le cadre de la cuisine : nous allons participer au marathon de Metz avec une équipe de Saveurs Maison. Et d’autres projets sont en préparation.

Adeline Fernandez : cette expérience n’a que des impacts positifs. Des choses sont en train de bouger chez nous, mais aussi avec les équipes de cuisine des établissements de la Fondation dont nous sommes proches. Tout cela donne envie de renouveler ces expériences. Et au bout du compte, cela montre que Saveurs Maison est à l’image de ses équipes : dynamique, qui ose relever les défis et qui prend plaisir à faire des choses innovantes.

Pierre-Alexandre LEMAIRE et Orlane COLSON